Omer PesquerNotes

La Responsive Museum Week, utile ou futile ?

Le 15 octobre 2012, Geoffrey Dorne et Julien Dorra lançaient la Responsive Museum Week. Leur objectif : « Remixez les sites des grands musées. Pour les rendre modernes, responsives, mobiles ! ». Pour ce faire, ils ont mis en place un site web pour inciter les internautes à « modifier la feuille de styles CSS du site d'un musée pour le rendre lisible sur mobile, tablette, etc. ».

Responsive Museum Week

http://responsivemuseum.com/

Cette initiative était une réponse au lancement du Centre Pompidou virtuel (CPV), dont j’ai été l’un des premiers à noter qu’il ne soit pas en Responsive Web Design (RWD). Je trouvais dommage que le design de ce nouveau site ambitieux ne soit pas en RWD, alors qu'il en était si proche. Ceci est à mettre en perceptive avec mon action depuis plusieurs mois pour que les musées proposent des sites mobiles à leurs visiteurs.

Du Responsive Web Design

S'inscrivant dans la logique du « Mobile First », le concept « Responsive Web Design » est assez récent, comme l’indique la parution de l'article fondateur d 'Ethan Marcotte date en mai 2010. Le livre du même auteur, qui est véritablement à l'origine du mouvement actuel, a lui été publié aux USA en mai 2011 et en France en septembre 2011. Voici comment Eyrolles, son éditeur français, présente cet ouvrage : « Découvrez le responsive Web design et apprenez à concevoir des sites Web agréables qui anticipent et répondent aux besoins de vos utilisateurs. En explorant des techniques CSS et des principes généraux de design, comme les grilles fluides, les images flexibles et les media queries, Ethan Marcotte démontre qu'il est possible d'offrir une expérience utilisateur de qualité, quelle que soit la taille, la résolution ou l'orientation de l'écran qui affiche le site. ».

Le Responsive Web Design est une solution mais elle n'est pas la seule. Ethan Marcotte note lui même à la fin de son livre que celle-ci est une « solution possible » qui apporte des « outils précieux » mais que ce n’est une pas nécessairement « la bonne approche » et qu'il n'y a pas de « réponses simples » (pages 138 et 139).

Aujourd'hui, le concept du « Responsive Web Design » remporte un franc succès. Toutefois, il ne faut pas perdre de vue que c'est une solution qui répond aux problématiques actuelles mais pas inévitablement à celles de demain (rappelons-nous comme, par exemple, de la « 216 Color Safe Web Palette » à une époque). De plus, les sites qui utilisent uniquement « Responsive Web Design » risquent fort de ne pas répondre aux usages s'il ne sont pas pensés en conséquence. Aujourd'hui, à part Microsoft.com, très peu de « grands sites » sont en RWD. Les acteurs principaux du web préférant une approche adaptive avec une version spécifique pour les mobiles (quelques exemples : Wikipédia, Twitter, Facebook, Tumblr, Wordpress, Pinterest, Imdb).

Des propositions

Avant de passer aux propositions, un premier point m'a gêné : cette initiative s’adresse aux musées, et plus spécifiquement, aux “grands” musées. Même si Geoffrey Dorne s'en défend, on retrouve ici, selon moi, une idée qui sous-entend que les musées sont en retard sur les innovations technologiques, ce qui n'est pas vrai (lire à ce propos mon article « France : plus de 15 ans de numérique pour les musées »).

Revenons au propositions : il n'y en a eu que dix, dont la majorité provenant de web designers, donc dont c'est le métier ! En fait de remixage de sites de musée, le hacking a été effectué principalement sur la page d'accueil et ceci aussi le plus souvent de façon cosmétique et assez pauvre. Certaines de ces propositions se résument parfois même uniquement à la redisposition du contenu dans « une longue colonne, à faire défiler du bout du doigt sur l’écran tactile. », ce qui, selon Ecrans.fr, qui ferait tout l'attrait du RWD ! On peut aussi noter qu'aucune proposition n’est un détournement disruptif à la Occupy The Internet (qui a été présent sur plus de 2000 sites dont celui du Jeu de Paume).

Quelques-unes des réponses se démarquent, car elles sont plus abouties et professionnelles, particulièrement celle de Geoffrey Crofte pour le Palais de Tokyo. Toutefois pour celle-ci, en installant le hack, un détail important m'a sauté au yeux : lors de réduction de la fenêtre de la page d'accueil, le menu haut disparaît. Dans ce menu figure comme premier item « Informations pratiques » qui est habituellement la rubrique la plus recherchée par visiteurs (en mobilité ou pas) !

Concevoir véritablement un site en Responsive Web Design c'est aussi repenser celui-ci pour qu'il s'adaptent au usages. C'est à dire modifier les priorités et les accès pour que le site soit pratique et qu'il répondent aux besoins immédiats de ses visiteurs selon l'écran de consultation de celui-ci (lire à ce propos « Mobile first », l'ouvrage de référence de Luke Wroblewski ). La mise à place du Responsive Web Design de façon structurée et intelligente doit être couplée avec une approche adaptative (contenus adaptés pour un chargement rapide suivant le dispositif de lecture et la bande passante disponible). Un travail qui entraine un accroissement du budget dans la conception et la réalisation des sites. Une démarche qui vient s’ajouter avec celle du Référentiel Général d'Accessibilité pour les Administrations, dans le cadre des institutions.

Ils sont déjà là

Sur Twitter les échos à la Responsive Museum Week ont été pour la plupart favorables, et l'opération a par ailleurs bénéficié d’un certain nombre d'échos dans des médias : outre la chronique de Geoffrey Dorne dans OWNI, Ecrans.fr, Club Innovation & Culture CLIC France et Nova Planet en ont parlé avec peu de recul et de contextualisation (comme c'était déjà le cas pour lors l'annonce du Louvre concernant ses 400 000 fans). Il est amusant de constater qu’aucun de ces sites de médias n’est d'ailleurs en Responsive Web Design !

À propos de la Responsive Museum Week, sur son blog « Ils sont là », Julien Dorra indique : « Les musées dont le site sera remixé sont encouragés à s’en inspirer, à ouvrir le dialogue, à accepter de venir sur des terrains qui ne sont habituellement pas les leurs, comme la maîtrise des enjeux technologiques. » Comme je l'ai signifié plus haut la majorité des propositions sont si peu abouties qu'elles ne peuvent être prises au sérieux. De plus, les personnes compétentes qui maitrisent les enjeux technologiques sont déjà présentes dans certains musées. La pertinence et le nombre de messages dans le groupe Facebook de MuzeoNum le montre tous les jours un peu plus, la Responsive Museum Week y a été d’ailleurs été fortement discutée. Mais ces personnes n'ont souvent pas beaucoup de moyens d'agir !

Pour élargir le propos, comme l'écrit si bien Sébastien Magro dans un article « Espérons que les musées aillent vers une plus grande intégration du site et des réseaux sociaux au sein d’une politique numérique cohérente, reflet d’une véritable prise de conscience des enjeux. ». Mais pour cela, les musées doivent donner assez de ressources et de moyens aux personnes compétentes, ce qui aujourd'hui est souvent loin d'être le cas !


// Créé le 29/10/2012 | Dernière modification le 29/10/2012

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